La Béringie

Imaginez une vaste steppe qui s’étend à perte de vue…

Il fut un temps où presque tout le nord du continent américain était couvert d’immenses glaciers qui gardaient prisonnière la majeure partie des eaux de la planète. Ces périodes de glaciation ont entraîné une chute du niveau des eaux à l’échelle planétaire de l’ordre de 100 à 150 m, et mis à nu le lit de la mer de Béring, qui devenait ainsi un pont terrestre reliant l’Alaska à la Sibérie.  

Ce pont terrestre faisait partie d’un grand territoire qu’on appelle aujourd’hui la Béringie, qui s’étendait du Yukon à la Sibérie.  

Alors que le reste de l’Amérique du Nord gisait sous les glaces, la Béringie, à l’extrémité septentrionale du continent, est restée libre de glaces, l’air y étant trop sec pour permettre la formation de glaciers. L’aridité du climat a aussi fait disparaître les forêts boréales, auxquelles a succédé une vaste prairie couverte de plantes à fleurs, d’herbes et de graminées riches en substances nutritives – un écosystème auquel on a donné le nom de « steppe à mammouth ».

Cette steppe était peuplée de grandes hardes d’herbivores, dont le mammouth laineux, le bison des steppes, et le cheval du Yukon et de leurs prédateurs (le lion de la Béringie, le machairodonte, l'ours géant à face courte, et le dernier arrivé en Amérique du Nord, l'homme).

 

Toutefois, le climat sur la Terre n’a pas toujours été froid. Au cours des 2,5 derniers millions d’années, la planète a connu une alternance de périodes de froid extrême, dites périodes glaciaires, et de périodes beaucoup plus clémentes, semblables à ce que l’on connaît aujourd’hui, dites périodes interglaciaires.

La dernière période interglaciaire a pris fin il y a environ 100 000 ans. Le climat durant cette période était non seulement plus clément, mais aussi plus humide. Les forêts boréales ont par conséquent recolonisé le territoire et le pont continental de Béring a été de nouveau submergé. Ces changements climatiques ont permis à de nouvelles espèces de s’établir, dont le paresseux marcheur de Jefferson, le castor géant et le mastodonte d'Amérique pour ne nommer que quelques-uns des nombreux animaux qui ont fréquenté les régions boisées du Yukon durant les périodes interglaciaires.

Bien plus qu'un lieu sur une carte

La Béringie il y a 18 000 ans (le pont continental est à découvert) Carte reproduite avec la permission de la Commission de géologie du Yukon.
La Béringie il y a 18 000 ans (le pont continental est à découvert) Carte reproduite avec la permission de la Commission de géologie du Yukon.

 

La Béringie était bien plus qu’un simple territoire délimité sur une carte ou qu’un lieu froid tapissé d’herbes que fréquentaient les mammouths. C’était un passage entre les continents.

Les inlandsis qui recouvraient la majeure partie de l’Amérique du Nord isolaient certes le Yukon du reste du continent, mais l’isolation n’était que partielle, parce que grâce au pont continental de Béring, le nord-ouest du continent était relié à la Sibérie.

Ce pont continental a rendu possible la migration de nombreuses espèces d’animaux et de plantes entre l’Amérique et l’Eurasie, dans les deux sens. Ainsi, les chevaux, les chameaux, les caribous et les ours bruns ont pu migrer vers l’ouest, tandis que les bisons, les mammouths, les orignaux, les wapitis et les humains sont venus peupler l’Amérique du Nord. Il se pourrait même qu’on découvre un jour que des rhinocéros laineux ont eux aussi franchi le pont continental à destination de l’Amérique du Nord. Si la Béringie n’avait pas existé, le monde serait bien différent de ce qu’il est aujourd’hui.

La dernière période de glaciation qu’a connue la Terre a pris fin il y a environ 11 000 ans. Le réchauffement du climat a fait fondre les immenses glaciers et le pont continental entre l’Asie et l’Amérique du Nord a de nouveau été submergé. Plusieurs espèces végétales et animales de l’époque glaciaire ont disparu (ce fut le cas du mammouth laineux et du cheval du Yukon), mais nombre d’autres ont survécu, dont le caribou, le mouflon et le grizzli.